Le cap reste difficile à franchir pour bon nombre d'entreprises françaises. Les freins sont avant tout culturels. - Shutterstock
LE CERCLE/POINT DE VUE - Les programmes de mobilité à l'international sont trop rares dans les entreprises de taille modeste. Bien préparés, ils profitent pourtant aussi bien à l'entreprise qu'au salarié.
Levier du développement économique, nouveau relais de croissance et accélérateur de carrières... autant d'aspects qui font de la mobilité internationale un enjeu crucial pour les entreprises innovantes.
Pourtant, le cap reste difficile à franchir pour bon nombre d'entreprises françaises. Les freins sont avant tout culturels. A l'inverse des pays nordiques qui ont déjà intégré cette souplesse et malgré de belles initiatives qui se déploient, la France reste encore frileuse vis-à-vis de cette mobilité. La peur d'une fuite des talents persiste...
Les entreprises ont encore tendance à envisager la volonté de départ à l'étranger d'un collaborateur comme une perte, une sorte de « démission de la France ». Pourtant, le plus souvent, cette expatriation profitera aussi bien à l'entreprise qu'au collaborateur. Mettre en place un programme de mobilité, notamment dans les entreprises innovantes, permettra un essaimage de compétences et la promesse d'un retour d'une grande valeur pour la marque employeur. Avec, à la clef, un avantage concurrentiel crucial dans un secteur aussi compétitif.
Complexité administrative
Si offrir des opportunités de mobilité internationale à ses salariés est une décision stratégique, il existe bien souvent des freins structurels auxquels pourraient être confrontées les entreprises, surtout lorsqu'il ne s'agit pas d'un grand groupe. Par exemple, ne pas avoir de filiale à l'étranger complexifie la donne.
Néanmoins, il est tout à fait possible de partir dans une optique de « business development ». Sur place, les possibilités d'accueil ne manquent pas : consulats, chambres de commerce ou entreprises partenaires.
Attention toutefois à l'acculturation administrative : il faudra savoir répondre aux interrogations des salariés sur des problématiques fiscales et sociales, mais aussi gérer les démarches qui reviennent à la maison mère. Autant d'éléments qu'un grand groupe maîtriserait facilement, mais qui pourraient constituer un obstacle, a priori infranchissable, pour une structure de taille plus modeste.
L'option VIE
Alors, comment tirer parti de cet élan international pour les PME, ETI et autres start-up ? Tout d'abord, les entreprises françaises bénéficient d'un outil de choix : le volontariat international à l'étranger (VIE). Lancés en l'an 2000, ces contrats sont fortement convoités par les jeunes diplômés et très avantageux pour les entreprises. La formule est simple : envoyer un collaborateur de moins de 28 ans à l'étranger dans le cadre de missions de R & D ou commerciales, le tout, dans des conditions pour le moins optimales.
Pour l'employé, l'expérience sur CV est très valorisable puisqu'elle permet l'épanouissement de « soft skills » comme la sociabilité ou la débrouillardise - des qualités qui seront ensuite scrutées par les recruteurs. Pour l'entreprise, le VIE permet de faire rayonner son expertise française à l'étranger, mais également d'attirer de nouveaux talents.
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Il existe un autre aspect à ne pas négliger : la communication auprès des entreprises. S'il existe de nombreux portails étatiques sur la mobilité internationale, leurs contenus s'adressent principalement aux salariés. On peut déplorer l'inexistence de services offrant un interlocuteur privilégié aux entreprises, une source d'information unique, centralisée, qui permettrait au référent en ressources humaines, de devenir un interlocuteur qualifié et légitime de la mobilité, et ce, quelle que soit la taille de la société.
Il est aujourd'hui établi que la réussite d'une expatriation dépend pour beaucoup du niveau d'information donné aux salariés par l'entreprise. Négliger l'aspect communication met en péril le projet, dévalorise l'expérience vécue par le collaborateur, et bien souvent, réduit les perspectives de retour.
« Reviens Léon »
Si les freins au départ sont importants, ceux qui peuvent s'opposer au retour des talents ne doivent pas être négligés. Pour 75 % d'entre eux, l'asymétrie des salaires entre la France et leur pays d'expatriation est un vrai facteur de renoncement. A cela s'ajoutent un droit français parfois peu avantageux et des démarches administratives dont la réputation a depuis bien longtemps dépassé les frontières de l'Hexagone. Résultat : 65 % des expatriés n'envisagent pas un retour en France dans les cinq ans (baromètre 2018 EY/France digitale).
Même pour les salariés qui reviennent en France dans l'entreprise qui leur a permis l'expatriation, il existe bien souvent un choc culturel du retour qui peut mettre en péril leur motivation et donc leur fidélité. Mais depuis quelques années, de belles initiatives voient le jour, avec pour ambition d'attirer les talents ayant fui la France. L'Etat, les associations d'expatriés et même la fine fleur de la French Tech se mobilisent pour « ramener les Français à la maison ».
En 2015, un collectif d'entrepreneurs français a lancé un projet visant à faire revenir les talents expatriés. D'abord baptisée « Reviens Léon »,puis « Wonderleon » depuis 2017, l'initiative se matérialise sous la forme d'une plate-forme de recrutement à destination des entreprises de la tech française et européenne désireuses d'attirer des profils internationaux.
Cécile Chopinet est la DRH du Groupe IT Link.